Djalila Mekahli (39) est chef de clinique adjointe en néphropédiatrie à l’hôpital universitaire de Louvain. Avec la Dr Liesbeth De Waele, neuropédiatre, elle constitue le noyau de l’équipe STB pédiatrique multidisciplinaire. Et, depuis la création de be-TSC, elle est notre conseillère médicale. En cette qualité, elle a plus d’une fois réagi très rapidement à des questions concrètes. Et cela avant même que je l’aie rencontrée en tant que présidente de notre association. Mais, un mardi soir du mois de juin, elle accepte de prendre un peu de temps pour moi. Avec la souplesse bienveillante qui la caractérise, et dont elle fait généreusement preuve quand je débarque à Louvain, en provenance d’Anvers, après un interminable trajet de près de deux heures…

Tous ceux qui ont assisté à notre journée STB du 15 mai le savent: l’UZ Leuven et l’UZ Brussel mènent ensemble une étude sur l’évolution à long terme des problèmes rénaux chez 82 patients avec STB. Cette étude démontre l’importance d’un suivi néphrologique dès l’enfance chez les patients STB.

Selon vous, a-t-elle mis en évidence une conception nouvelle de la maladie?
“Ce n’est pas vraiment une nouveauté, mais le fait est que l’étude prouve qu’il faut penser à protéger les reins, dès l’enfance, dans une maladie comme la STB. Les différents problèmes de santé propres à la STB ne se manifestent pas tous aux mêmes stades de la vie. Chez les jeunes, les questions neurologiques sont souvent les plus problématiques, et donc les plus dignes d’attention. Mais les reins aussi sont soumis, dès le plus jeune âge, à des risques croissants. En intervenant à temps, on s’assure que les perspectives à long terme restent optimales.”

La Dr Mekahli parle vite, avec autant de passion que d’animation. J’ai du mal à noter, mais le message reste clair:
“En cas d’insuffisance rénale à l’âge adulte, il est apparu trop souvent, dans le passé, que la prévention avait été négligée à un moment où les problèmes étaient encore limités. Aujourd’hui, il existe un consensus – qui coïncide d’ailleurs avec ma conviction personnelle – sur la nécessité de protéger les reins dès le plus jeune âge. Dans le développement des problèmes rénaux, certains facteurs de risque, dits “modifiable risk factors”, comme l’hypertension et la perte de protéines, peuvent être pris en compte à un stade précoce.
Penser à la protection des reins est très important, notamment pour éviter des interventions comme la néphrectomie (ablation d’un rein) totale ou partielle ou l’embolisation, souvent pratiquées dans le passé pour des angiomyolipomes de grande taille ou en croissance, et parfois pour un angiomyolipome pauvre en graisse, très semblables à un carcinome à cellules rénales.
À présent que les inhibiteurs de mTOR sont à notre disposition depuis un certain temps, nous pouvons réduire et maîtriser les lésions rénales de grande dimension avec des médicaments. Cela permet souvent d’éviter une compression du rein ou une hémorragie aiguë nécessitant une intervention chirurgicale ou une embolisation.”

Nous retenons que la tension et l’urine doivent être contrôlées régulièrement dès le plus jeune âge. Et les reins eux-mêmes, à quels examens d’imagerie doivent-ils être soumis?
“En cas de STB, une IRM régulière est nécessaire, car c’est le seul examen d’imagerie qui permette de visualiser les angiomyolipomes pauvres en graisse. Or, des directives internationales récemment publiées insistent sur la nécessité du diagnostic et du suivi des lésions rénales."

Des explications de la Dr Mekhali, il ressort que le diagnostic de certaines tumeurs rénales caractéristiques de la STB peut être très difficile pour les médecins insuffisamment familiarisés avec cette maladie rare.  La Dr Mekahli souligne combien il est important de mieux connaître la STB et explique comment elle-même y contribue:
“Je fais partie du ‘Teaching Board’ (comité enseignant) de la E.S.P.N. (European Society of Pediatric Nefrologists). Par le biais de cette plateforme, nous prenons diverses initiatives pour améliorer la connaissance de la maladie, non seulement par les méthodes classiques, comme les publications et les congrès, mais aussi, par exemple, en envoyant aux jeunes néphrologues un quizz destiné à les sensibiliser à certaines ‘lacunes’ dans leurs connaissances."

La Dr Mekahli parle le néerlandais avec un léger accent français, et son apparence physique est incontestablement méridionale. Je me permets donc de lui demander si elle est d’origine française.
“En fait, je suis d’origine algérienne. J’ai fait mes études de médecine et de pédiatrie à Louvain. Après quoi j’ai poursuivi ma formation en néphropédiatrie à Lyon,  puis à Londres (au Great Ormond Street hospital).”



Vous n’êtes pas seulement médecin, mais aussi chercheuse?
“J’ai en effet un mandat de recherche à mi-temps. Récemment, j’ai fait un séjour à l’Université de Yale (U.S.A.), pour une étude sur les mécanismes aboutissant aux reins polykystiques. Ma passion pour la néphrologie se focalise sur les troubles rénaux pédiatriques génétiques (dont la STB), et en particulier sur la problématique des reins kystiques. Les kystes rénaux apparaissent chez 30% des patients STB.”

Vous vous êtes engagée à participer à une étude de la Fondation Roi Baudouin (dans laquelle l’UZ Brussel et be-STC sont étroitement impliqués) sur les objectifs de recherche prioritaires dans la Sclérose Tubéreuse de Bourneville. Si vous pouviez en décider seule, sur quel problème propre à la STB souhaiteriez-vous brancher orienter la recherche? Un problème néphrologique?
“Nee, toch niet. Uiteraard zijn de nierproblemen heel ernstig te nemen en willen we graag meer leren. Maar de TSC patiënten die ik op consultatie krijg, hebben vaak heel diverse symptomen, waarbij de neurologische in veel gevallen overduidelijk het meest wegen op de levenskwaliteit, zowel voor de patiënt als voor zijn naaste omgeving. Als er één issue gekozen moet worden, denk ik dus eerder aan een neurologisch thema.
Een interessante oefening trouwens, die van de Koning Boudewijnstichting. Er zal aan héél veel verschillende belanghebbenden gevraagd wat hun voornaamste bekommernis inzake TSC is. Ik ben zelf heel benieuwd wat naar boven zal komen drijven.”

La fin de l’entretien approche. Je me dépêche de poser une dernière question:
Quelle est selon vous la signification d’une association de patients pour la Sclérose Tubéreuse de Bourneville?
“Pour moi, la communication avec les patients est capitale. Mon principe est que le médecin fournit au patient toutes les informations disponibles, et que la décision sur le traitement se prend en commun. La “patient awareness” est extrêmement importante à mes yeux. Et une association de patients peut contribuer de façon décisive à cette sensibilisation. Elle informe les gens, les unit et les rend plus conscients et plus forts dans la “gestion” de leur maladie.”

Cet entretien se déroule peu avant les vacances. La Dr Mekahli est aussi maman de deux enfants, une fille de 9 ans et un garçon de 6. Vous travaillez dur. Les vacances sont-elles, pour vous et votre famille, l’occasion rêvée de recharger les batteries?
“Sans aucun doute. Je sais combien il est important de se ‘déconnecter’ de temps à autre pour jouir tout simplement de moments heureux en famille. Pour tout médecin, il est essentiel de trouver le bon équilibre entre sa vie de famille et son engagement professionnel.” 

Il ne nous reste qu’à remercier chaleureusement la Dr Mekahli! En espérant que, lors de la parution de cette interview, elle aura derrière elle les meilleures des vacances.